– Yo Allan ! Camille m’a dit d’te dire qu’il en avait encore pour cinq minutes.

– Ça roule. Merci Flo.

– Bon j’y r’tourne. Y a la chef qui pète un plomb en cuisine.

– Pour une fois qu’elle y met les pieds la connasse…

– … au lieu de compter sa thune et de cirer les pompes aux clients…

– Allez, vas-y. Et bon courage à vous les gars.

– Ciao mec.

Florent retourne dans le restaurant, les poings serrés dans les poches sans fond de son baggy. Allan s’allume une cigarette et met le contact à son « tas-de-taule » en attendant Camille.

*     *     *     *     *     *     *     *     *     *

– Désolé mec, j’finissais d’me changer et j’ai récupéré mon chèque au passage.

– T’en fais pas j’suis pas pressé.

Camille ouvre la portière et se laisse tomber sur le siège passager en gueulant bien fort : « CRE-Vé ! » Allan pose une main sur son épaule.

– La même. Journée d’merde. Il paraît qu’la chef est dans tous ses états.

– Rien à foutre. J’suis en week-end. J’éteins mon cerveau.

– OK. T’as prévu des trucs ?

– Bah déjà ce soir, j’suis chez des potes.

– C’est loin ou j’te dépose comme d’habitude ?

– Comme d’hab’. C’est dans le même immeuble que ma chère et tendre. Et toi ? T’as des plans ?

– Pas spécialement, non. J’ai peut être un rencard…

– Eh-hé ! Tu l’sens comment ?

– Bof. Au mieux, ça finit en plan cul. Au pire, j’me cale devant la télé.

– Ou alors ça s’ra un gars bien. T’en sais rien. Tu bosses lundi ?

– Yep.

– Alors on tâchera d’aller boire une pinte après le service et tu m’raconteras.

– Deal. On y va ?

– J’te suis.

Camille allume une de ses clopes roulées et lance un sourire fatigué à Allan qui effleure le bouton play de son smartphone. Les amplis remplissent la voiture de musique électro qui vide et lave la tête des deux hommes qui profitent du volume pour se taire. Les feux verts des carrefours étants des plus cléments, Allan passe à la vitesse supérieure. L’air se solidifie à mesure qu’il accélère ; les fenêtres grandes ouvertes, la fumée que Camille recrache par les narines est pulvérisée dans le cockpit.

Allan tapote le levier de vitesse en rythme avec la musique ; l’autre , le bras ballant, au frais contre la carrosserie, regarde le soleil amorcer sa descente. Au loin, des nuages noirs et des éclairs voilent et zèbrent la skyline qui se confond avec la mer qui ne voit pas encore le vent tourner. Camille reprend ses esprits sur une bretelle du périphérique.

– Bon, ben ce soir c’est orage pour tout l’monde…

Allan baisse le son et tourne la tête vers Camille dont le profil reste vrillé sur ce sombre décor urbain ouvert sur l’océan.

– T’as dit quelque chose ?

– Ouais, nan. On s’en fout… J’disais qu’on va avoir d’l’orage ce soir.

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Allan prend un virage serré et ralentit progressivement alors qu’il arrive à destination.

– Ça va ici ?

– Oui oui, c’est parfait.

– À lundi alors.

– C’est ça.

Camille tire une dernière bouffée sur sa cigarette avant de lui donner une pichenette et qu’elle ne tombe toute droite dans un caniveau.

– Encore merci pour le ride.

– J’t’en prie.

– C’est moi qui offre lundi.

– On verra ça.

– Haha. Allez j’y vais avant d’me prendre une giboulée sur la gueule.

– Salut mec.

– Bon week-end… Oh ! Et bon rencard !