C.Q.F.D. – Chapitre 1 – 1.2 Coco Chanel

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Elle se dit qu’il fait bon de se mettre à nu, à l’insu de tous, dans ses pensées, quand le monde prétend la voir mais ne la regarde pas. Elle sourit bêtement en pensant à ces anonymes qui traversent les rues et les souterrains de la ville obstrués par de lourds manteaux de fourrures diverses et synthétiques ; ces longs costumes perméables qui se présentent et se vendent en de multiples devinettes sur des mannequins rachitiques, postés derrière des vitrines satinées de bave.

Celui-ci, qui admire le téléphone tout juste sorti sur le marché, se demande probablement si la couleur de la coque ira avec ses chaussures à talons pailletés rétro-éclairants. L’autre, là-bas, choisit méticuleusement le parfum qui, selon Coco Chanel, lui donnera un avenir certain, sans encombre et sans autre fioriture que le seul choix de la fragrance qui imposera aux œillades du patron, l’assurance mal habitée d’une pauvre femme obsédée par la chaleur des compliments et des bouquets garnis en fleurs après avoir vendu plus de cinquante contrats pour sa boîte.

Anna sourit de plus belle en sortant des galeries du métro et s’engouffre dans une rue qui l’emmène loin des foules, dans les vieux quartiers industriels, beaucoup plus calmes. Au bout d’une vingtaine de minutes, elle pousse la porte du hall luxuriant d’un bâtiment qui sent l’Histoire, posé en haut d’une colline qui surplombe une partie de la baie dont la vue est gênée par des rangées quadrillées de gratte-ciels. Elle tombe sur Faustine, amie et gardienne des lieux ; 25 ans, brune à souhait, les yeux noirs aux pupilles indiscernables et un nez à faire pâlir Cléopâtre de face.

– Eh ! Anna !

– Salut ma belle.

– J’reviens d’chez toi. Tu vas bien ?

– Yes. Dimitri t’a dit pour ce soir ?

– Ouais.

– Y aura Camille ?

– Normalement oui. J’lui ai envoyé un message. Il devrait pas tarder là.

– OK. Bon j’file prendre une douche et j’commence à cuisiner avec Dimitri. Y a Quentin qui arrive sur les coups des neuf heures.

– C’est qui ça Quentin ?

– Tu verras, c’est un mec sympa. Il m’a déjà filé quelques coups de main pour le boulot. Bon allez, j’y vais.

Anna disparaît dans la cage d’escaliers alors que Faustine remue son trousseau de clés dans la serrure de la porte de sa loge.

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